La chauffe des cartouches dans la chambre est un phénomène tangible lors de tirs soutenus. En moyenne, chaque coup élève la température d’environ 2 °C sur 12 secondes, tandis que la chambre perd approximativement 1 °C par minute en l’absence de tir. En pratique cela signifie une accumulation thermique significative lors d’une tir de match, la chaleur du canon et de la chambre se transmettant rapidement à l’étui, à sa poudre et aux autres munitions dans le magasin, ce qui modifie les conditions de combustion. La conséquence immédiate est une tendance à l’augmentation de la pression interne et de la vitesse initiale (V0) de la balle lorsque la température augmente.
Exemple lors du tir en campagne
Un petit calcul d’exemple lors du tir en campagne avec une température ambiante de 20°C. Attention, je vous détaille tout:
- 6 coups en 360 s → intervalle moyen 60 s
- 3 coups en 60 s → intervalle moyen 20 s
- 3 coups en 60 s → intervalle moyen 20 s
- 6 coups en 60 s → intervalle moyen 10 s
Refroidissement utilisable par intervalle: max(0, intervalle − 12 s) × 1/60 °C/s.
Gain net par série de S coups avec intervalle I: ΔT_série = 2S − (S−1) × max(0, I−12)/60.
Départ T0 = 20,00 °C.
- Série 1, 6 coups en 360 s, I = 60 s
max(0, 60−12)/60 = 48/60 = 0,80 °C de perte par intervalle
ΔT₁ = 2×6 − 5×0,80 = 12 − 4,00 = +8,00 °C
T fin série 1 = 28,00 °C - Série 2, 3 coups en 60 s, I = 20 s
max(0, 20−12)/60 = 8/60 = 0,13°C par intervalle
ΔT₂ = 2×3 − 2×0,13 = 6 − 0,26 = +5,73 °C
T fin série 2 = 33,73 °C - Série 3, 3 coups en 60 s, I = 20 s
Même cadence, même ΔT
ΔT₃ = +5,73 °C
T fin série 3 = 39,46°C - Série 4, 6 coups en 60 s, I = 10 s
max(0, 10−12) = 0 → aucune perte entre coups
ΔT₄ = 2×6 − 5×0 = +12,00 °C
T fin programme = 51,46°C
Entre votre première et votre dernière cartouche on a un ΔT total de 31.46°C
L’effet en cible
En cible, la conséquence de cette chauffe se traduit par une variation progressive du point d’impacts. L’élévation progressive de la température déplace souvent le point d’impact vers le haut, et peut provoquer un allongement des groupes ou un phénomène de « stringing » vertical ou latéral quand la température varie non uniformément entre coups ou séries. Avec les paramètres fournis, la montée thermique s’observe très vite: par exemple, dans une cadence où les coups se succèdent toutes les 12 secondes, l’effet cumulatif devient perceptible après quelques séries et peut entraîner une dérégulation notable de la précision et une variabilité accrue des chronos de bouche.
On estime entre 0.3–0.8 m/s/°C d’accélération du projectile en V0. Ce qui signifie qu’avec un ΔT total de 31.46°C comme lors du tir en campagne, la V0 peut varier de 9.42ms à 25.17ms entre la première et la dernière cartouche.
Pour une augmentation de vitesse Δv (m/s) liée à la montée thermique ΔT, on estime Δv = sensibilitéDeLaPoudre × ΔT.
L’effet pratique en cible (variation verticale du point d’impact (POI) à 300 m) est approximé avec une estimation balistique simplifiée : la modification du temps de vol réduit la chute due à la gravité ; pour petites variations on peut approximer la variation verticale Δy.
Avec g = 9,81 m/s², D = 300 m, v = vitesse initiale (m/s). Le signe négatif indique que l’augmentation de vitesse tend à réduire la chute donc le POI monte.

En fonction de la qualité de poudre et de sa sensibilité aux écarts de température, les résultats peuvent varier.
En GP90 (STGW90)
Conséquence approximative sur la hausse en fonction de la qualité de la sensiblité de la poudre en GP90:
- 0,27 m/s/°C → Δv = +8.50 m/s → ΔPOI ≈ +10.1 mm (soit +0,034 mrad ≈ +0,12 MOA) .
- 0,55 m/s/°C → Δv = +17.31 m/s → ΔPOI ≈ +20.6 mm (≈ +0,069 mrad ≈ +0,24 MOA) .
- 0,82 m/s/°C → Δv = +25.80 m/s → ΔPOI ≈ +30.7 mm (≈ +0,102 mrad ≈ +0,35 MOA) .
On peut donc avoir une variation en GP90 entre 1.01 et 3.07 cm en cible entre la première et la dernière cartouche. Bien que léger, cette modification peut avoir une conséquence sur votre score final.
En GP11 (K11, K31, STGW57, STAGW et Libre)
Conséquence approximative sur la hausse en fonction de la qualité de la sensiblité de la poudre en GP11:
- 0,27 m/s/°C → Δv = +8.50 m/s → ΔPOI ≈ +15.8 mm (≈ +0,053 mrad ≈ +0,18 MOA) .
- 0,55 m/s/°C → Δv = +17.31 m/s → ΔPOI ≈ +32.2 mm (≈ +0,107 mrad ≈ +0,37 MOA) .
- 0,82 m/s/°C → Δv = +25.80 m/s → ΔPOI ≈ +48.0 mm (≈ +0,160 mrad ≈ +0,55 MOA) .
On peut donc avoir une variation en GP11 entre 1.58 et 4.8cm en cible entre la première et la dernière cartouche. En fonction de la poudre, l’écart peut quasiment représenter une différence d’un point en cible.
Que faire ?
Soyons clairs, le seul moyen d’éviter la chauffe serait de changer de canon ou d’arme en pleine série puisque votre munition va très rapidement monter en température une fois chambrée.
Si vous adaptez votre correction au fur et à mesure que vous tirez, vous ne ressentirez quasiment pas l’écart en cible. Toutefois, lors du tir des dernières cartouches (canon très chaud), un écart peut se faire sentir si vous attendez trop avant de tirer. Voici les bon réflexes à avoir:
- Préchauffer son canon avec une dizaine de coups (coups d’essais) avant d’entamer le tir réel pour obtenir une meilleure stabilité thermique du canon.
- Limiter le temps en chambre: Tirez une cartouche toutes les 20-30 secondes pour maintenir une hausse thermique maitrisée. Au delà de 60 secondes en chambre; Éjecter la cartouche pour la remplacer, éviter de la surchauffer et ainsi éviter un écart d’environ 1cm en cible. Pour les armes en semi-automatique, envisagez d’avoir plus de cartouches en magasin que nécessaire pour vous permettre d’effectuer cette manipulation et essayez de rythmer d’avantage vos tirs dans la mesure où vos munitions sont exposées à la chauffe relative à la liaison du magasin avec le boitier de culasse.
Avec ces deux astuces, vous devriez pouvoir gérer au mieux la chauffe de la munition et éviter de transformer vos derniers 10 en 9 à cause d’un tir litigieux sur la ligne.
